

Le lymphome chez le chien 101 : un guide pour les vétérinaires
Le lymphome touche jusqu'à 25 % de tous les chiens chez qui un cancer a été diagnostiqué1. Il s'agit d'un groupe hétérogène de cancers provenant des lymphocytes. Le lymphome prend généralement naissance dans les tissus lymphoïdes, tels que les ganglions lymphatiques, la rate ou la moelle osseuse, mais il peut se développer dans presque tous les tissus de l'organisme. La plupart des chiens présentent une forme agressive, multicentrique (provenant de plusieurs centres, tels que les ganglions lymphatiques) de la maladie, de grade intermédiaire ou de haut grade1.
Qui est à risque?
Les chiens de tout âge peuvent développer un lymphome, mais les chiens d'âge moyen à avancé sont généralement plus touchés. Les chiens atteints d'un lymphome à cellules T ont tendance à être plus jeunes. Plusieurs races semblent avoir une incidence plus élevée de lymphome, notamment les boxers, les bullmastiffs, les bassets, les terriers écossais, les saint-bernard, les briards, les setters irlandais, les rottweilers, les bouledogues et les pit-bulls1.
La cause du lymphome chez le chien n'est pas bien comprise, mais l'hérédité est probablement un facteur de risque. Le facteur environnemental est également sur le banc des accusés : l'application commerciale de pesticides, l'utilisation d'herbicides et de produits chimiques domestiques ou le fait de vivre dans une zone industrielle ou à proximité d'un site industriel sont autant de facteurs de risque. Une étude portant spécifiquement sur les boxers révèle que la proximité d'une centrale nucléaire, d'un fournisseur de produits chimiques ou d'un crématorium augmente le risque de lymphome3. Une fonction immunitaire altérée ou déficiente peut également accroître le risque de lymphome1.
Présentation clinique du lymphome
L'hypertrophie des noeuds lymphatiques est le signe clinique classique que la plupart des vétérinaires peuvent observer et que les propriétaires remarqueront à la maison sous la forme de « nouvelles bosses ». La plupart des chiens atteints d'un lymphome multicentrique ne présenteront pas de signes évidents au début de la maladie. Cependant, lorsque les chiens se sentent malades, ils peuvent présenter des signes cliniques tels qu'une diminution de l'appétit, une perte de poids, des vomissements, des diarrhées, une polyurie, une polydipsie ou de la fièvre.
Les autres signes cliniques dépendent des organes touchés par la maladie. Plus de 80 % des chiens développent la forme multicentrique avec atteinte des ganglions lymphatiques périphériques. Parmi les autres formes de lymphome, citons le lymphome gastro-intestinal primitif, le lymphome médiastinal ou le lymphome cutané, les autres sites extraganglionnaires étant encore moins fréquents1.
Diagnostic
Une biopsie ou une cytologie del noeud lymphatique atteint est essentielle pour confirmer une suspicion de lymphome. Une biopsie est nécessaire pour établir une classification et un diagnostic formels. La cytologie demeure toutefois un test diagnostique sensible et spécifique de première ligne pour le lymphome. L'aspiration à l'aiguille fine et la cytologie sont souvent préférées à la biopsie, car il s'agit d'une option moins coûteuse, moins technique et moins invasive. Cependant, il est important de noter que certains sous-types de lymphomes, y compris les lymphomes indolents moins agressifs, ne peuvent pas être définitivement identifiés par la cytologie seule2.
Que votre patient soit bien portant ou malade, il est nécessaire de procéder à des examens diagnostiques supplémentaires, notamment une formule sanguine complète (FSC) et un bilan biochimique, afin d'évaluer les signes d'atteinte de la moelle osseuse et le fonctionnement général des organes, ainsi que pour dépister les syndromes paranéoplasiques tels que l'anémie ou l'hypercalcémie. Une analyse d'urine est également recommandée pour caractériser la fonction rénale1. Il est possible que la FSC ou le bilan biochimique soient normaux même si le diagnostic est confirmé.
L'imagerie, telle que la radiographie thoracique et l'échographie abdominale, peut également être envisagée pour évaluer l'atteinte des organes internes. Le processus de recherche des organes touchés par le cancer est appelé « stadification ». Ces examens d'imagerie peuvent également s'avérer nécessaires en cas de suspicion de lymphome lorsqu'on est en présence d'une hypertrophie légère ou minime des noeuds lymphatiques périphériques ou de signes cliniques attribuables aux organes internes1.
L'immunophénotypage permet de déterminer si la cellule cancéreuse d'origine était un lymphocyte B ou un lymphocyte T. Vous avez peut-être entendu dire que les lymphomes à cellules B ont un meilleur pronostic que les lymphomes à cellules T. Bien que cela soit vrai pour le lymphome de haut grade, n'oubliez pas que le lymphome est une maladie hétérogène. En fait, certains sous-types de lymphomes à cellules T peuvent avoir un excellent pronostic par rapport à certains lymphomes à cellules B3,4. Parmi les lymphomes de haut grade, les lymphomes à cellules B sont plus fréquents que les lymphomes à cellules T. Certaines races ont une prédisposition génétique à la maladie par leur immunophénotype : les boxers, par exemple, sont prédisposés au lymphome à cellules T5. Les techniques les plus courantes pour l'immunophénotypage sont la cytométrie de flux (privilégiée) ou le test de clonalité, tel que PARR.
Enfin, il y a eu beaucoup d'innovations dans le domaine du diagnostic, comme un test récemment annoncé qui détecte les biomarqueurs du lymphome grâce à des techniques bioanalytiques multimodales qui peuvent même faire la distinction entre le lymphome à cellules B et le lymphome à cellules T.
Traitement du lymphome
La chimiothérapie est le traitement de base du lymphome multicentrique et, heureusement, la plupart des chiens la tolèrent bien. L'objectif du traitement est d'obtenir une rémission, c'est-à-dire que la maladie est cliniquement indétectable, avec une bonne qualité de vie.
Le traitement du lymphome peut donner des résultats encourageants, de 85 à 95 % des patients obtenant une rémission complète de leur cancer pendant une durée médiane de 5 à 9 mois avec des protocoles multi-agents comme le CHOP (cyclophosphamide, hydroxydaunorubicine [chlorhydrate de doxorubicine], Oncovin [vincristine], prednisone). Ces protocoles durent de 15 à 25 semaines et sont associés à des durées médianes de survie d'environ un an (dans la forme la plus courante de lymphome)6. Les protocoles de traitement à agent unique peuvent également être envisagés si un protocole de type CHOP n'est pas réalisable.
La radiothérapie n'est pas couramment utilisée pour traiter les lymphomes multicentriques, à l'exception de l'irradiation de la moitié du corps. Dans une étude récente portant sur des chiens atteints d'un lymphome à cellules B, les chiens recevant une radiothérapie de la moitié du corps en plus de la chimiothérapie ont obtenu de meilleurs résultats à long terme comparativement aux chiens recevant uniquement le protocole CHOP7.
Quelle que soit l'option de chimiothérapie choisie, des médicaments de soutien pour les effets secondaires, comme les nausées ou la perte d'appétit, sont systématiquement prescrits pour aider les chiens à se sentir bien. La prednisone, un corticostéroïde, fait partie de la plupart des protocoles de chimiothérapie utilisés pour traiter les lymphomes. La prednisone seule est également un élément essentiel des soins palliatifs lorsque les clients refusent la chimiothérapie ou lorsque le patient ne répond pas à la chimiothérapie.
Un diagnostic de lymphome chez le chien peut être une source d'angoisse pour la famille. En comprenant la maladie et les options de diagnostic et de traitement disponibles, les vétérinaires peuvent aider leurs clients à obtenir un diagnostic rapide et des soins appropriés.
Références :
- Vail DM, Thamm DH, Liptak JM. Hematopoietic Tumors. Withrow and MacEwen's Small Animal Clinical Oncology. Elsevier, pp. 688-772.
- Seelig DM, Avery AC, Ehrhart EJ, et al. The Comparative Diagnostic Features of Canine and Human Lymphoma. Veterinary Sciences. 2016; 3 : 11.
- Seelig DM, Avery P, Webb T, et al. Canine T‐Zone Lymphoma : Unique Immunophenotypic Features, Outcome, and Population Characteristics. Veterinary Internal Medicine 2014; 28 : 878-886.
- Hughes KL, Ehrhart EJ, Rout ED, et al. Diffuse Small B-Cell Lymphoma : A High-Grade Malignancy. Vet Pathol ; 2021; 58 : 912-922.
- Craun K, Ekena J, Sacco J, et al. Genetic and environmental risk for lymphoma in boxer dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine 2020 ; 34 : 2068-2077.
- Thamm DH. Novel Treatments for Lymphoma. Veterinary Clinics of North America: Small Animal Practice. 2024 ; 54 : 477-490.
- Best MP, Straw RC, Gumpel E, et al. Long‐term remission and survival in dogs with high‐grade, B cell lymphoma treated with chemotherapy with or without sequential low‐dose rate half‐body irradiation. Journal of Veterinary Internal Medicine. 2023 ; 37 : 2368-2374.